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l’Association des Monuments commémoratifs et Memoriaux érigés sur les différents Sites annexes relevant de l´ancien Complexe concentrationnaire de Natzweiler (VGKN)

Nous sommes une association de 15 lieux de mémoire civiques au Bade-Wurtemberg, en Rhenanie-Palatinat et en Hesse qui se sont se sont associés avec le soutien du Landeszentrale für politische Bildung Baden-Württemberg (Centre de formation civique du Bade-Wurtemberg) en formant le VGKN.

Célébration de l’attribution du label du patrimoine européen à la Haus der Wirthschaft (maison de l’économie) à Stuttgart

Allocution du membre fondateur et ancienne première présidente Dorothee Roos

Mesdames et Messieurs, chers intéressés   

15 lieux de mémoire d’anciens camps annexes de Natzweiler se sont associés ; dont 13 au Bade-Wurtemberg, deux en Hesse et une en Rhénanie-Palatinat. Trois lieux de mémoire en France, dont le très grand lieu de mémoire de l’ancien camp de concentration de Natzweiler, sont nos partenaires. Ensemble, nous (à cette époque 12 lieux de mémoire) avons posé notre candidature pour le label du patrimoine européen que nous avons officiellement obtenu en 2017.

Tous les lieux de mémoire dans la zone de l’ancien camp de concentration de Natzweiler ont contribué au travail européen de réconciliation et de paix depuis le moment de leur fondation. Lorsque nous considérons l’ampleur du travail réalisé, nous pouvons dire : Oui, nous avons franchis beaucoup de frontières, bâtis des ponts au-dessus de fossés profonds. Le terme « pont » implique une abîme, une profondeur. Et celui qui veut bâtir un pont doit connaître l’abîme.

L’histoire dont nous nous occupons est celle de personnes originaires de plus de 30 pays européens qui ont été déportées vers nos lieux en tant que prisonniers. L’Europe était ici – en 1944/45, ici dans les usines de schistes bitumeux, ici dans les camps du complexe concentrationnaire « Wüste » ainsi que dans tous les autres camps de Natzweiler.

Ces personnes ont vécu des choses terribles dans les camps – et beaucoup d’entre ceux qui ont survécu ne voulaient plus jamais poser un pied en Allemagne pendant les premières années qui suivaient la guerre. L’horreur, la peur et la haine – tous ces sentiments très légitimes barraient le chemin. Prenons la France et l’Allemagne comme exemples. Après trois terribles guerres, l’une dépassant la précédente en atrocité, les relations entre ces deux pays étaient complètement détruite en 1945. Malgré tout, de grands hommes d’État comme le général de Gaulle et le chancelier allemand Konrad Adenauer comprenaient déjà peu après la guerre que cette haine glacée en Europe n’était pas une frontière

absolue. La frontière pouvait et peut encore être surmontée ou décongelée si beaucoup de personnes aident à le faire, s’il y a beaucoup de constructeurs de ponts. Et si quelques-uns qui voient déjà plus loin ouvrent une perspective, une vision. Cette perspective s’appelait et s’appelle l’Europe – une Europe pacifique, démocratique.

Au sein de ce processus de communication et de réconciliation, des jumelages de villes, des rencontres internationales de la jeunesse et des échanges scolaires ont joué un rôle important au cours des 60 dernières années. Ils étaient importants, nécessaires et indispensables. Pourtant, ces rencontres visaient souvent à laisser le passé derrière soi et à prendre un nouveau départ.

Avec les lieux de mémoire, cela a été différent. Leur contribution à la réconciliation et la paix n’a pas laissé de côté les moments les plus douloureux, les plus sombres. Au contraire, les lieux de mémoire regardaient là où ça fait mal. Les lieux de mémoire sont entrés en contact avec les survivants ou aussi les familles des morts – dans presque tous les pays de l’Europe et même plus loin, car certaines familles vivaient aux États-Unis, en Israël ou en Australie. Ils se laissaient raconter ce qui s’était passé – devant la propre maison, dans la propre ville, dans le propre département. Ceci était souvent un processus très douloureux. Mais voilà : Ces récits, la publication de livres et de films n’aggravait pas la haine, le contraire était le cas. Le souvenir a un effet curatif lorsqu’il sert à bâtir des ponts et surmonter des frontières. Cela est vrai jusqu’aujourd’hui – nous tous pouvons en raconter beaucoup d’histoires. Le travail des lieux de mémoire n’a pas été bien vu dès le début. Souvent, les maires et conseillers municipaux n’étaient pas contents lorsque les chapitres sombres de l’histoire locale étaient ouverts. Mais même eux ont surmontés leurs réticences à un moment donné, se sont

laissé enthousiasmer à bâtir des ponts et à surmonter des frontières qui se trouvent surtout dans les têtes. Nous avons tous ensemble fait l’expérience que quelque chose de positif peut être fait d’une histoire négative, quelque chose qui fasse plaisir parce que des personnes qui ont été séparées par l’histoire se réunissent. En effet, et je veux dire ceci en toute clarté, ces développements positifs ne donnent pas de sens ultérieur à notre histoire horrible.

Ce processus qui a commencé il y a environs 30 ans a atteint une nouvelle étape pendant les dernières années. Les lieux de mémoire des anciens camps annexes de Natzweiler se sont associés et se sont progressivement interconnectés. Il y a aussi eu des contacts de plus en plus intenses avec les collègues français. Cette coopération réunit plusieurs cultures commémoratives, pour cette raison elle est transfrontalière sous plusieurs aspects.

À présent, nous avons accompli la première candidature transfrontalière pour le label du patrimoine européen avec succès. Pourtant, le label n’est qu’un symbole externe pour un processus interne. Nous avons réussi à jeter un regard commun sur une histoire commune – C’est un regard européen qui est évidemment ouvert pour d’autres pays et qui peut et devrait aussi les inclure. La répartition géographique des camps annexes de Natzweiler suggère d’abord une connexion entre la France et l’Allemagne. Ensemble, nous pouvons développer la culture commémorative et la rendre fertile pour le présent et surtout pour l’avenir. En effet, ça n’a pas vraiment de sens de simplement persister dans le passé. Bien que nous avons méticuleusement étudié ce passé et découvrons toujours de nouveaux faits, nous ne faisons pas cela au nom du passé. Nous voulons et nous devons renforcer la conscience pour la

grande valeur de la paix en Europe et pour la grande valeur et aussi la fragilité des structures démocratiques.

Pour le moment, nous éprouvons beaucoup d’exemples de renforcement de nationalisme en Europe. Il y a beaucoup de gens qui veulent que les frontières et les clôtures s’accroissent, il y a beaucoup de gens qui prennent pour redondants des piliers démocratiques comme la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse ou le respect des droits de l’homme et qui pensent surtout dans des catégories de grandeur et de pouvoir nationaux. Les lieux de mémoire doivent faire face à cette responsabilité européenne. Ils doivent montrer où une politique de force nationale peut mener.

En effet, l’expérience de guerre et de dictature disparaît lentement de la mémoire collective. Les lieux de mémoire en Europe conservent l’histoire. En même temps, ils la dépassent, la surpassent. En effet, les lieux de mémoire ne sont pas de musées, ils ont aussi une mission politique au sens large : Au sens de re-réflexion et de sensibilisation.

Je voudrais conclure par les mots d’un survivant de camp de concentration, Albert Geigregat de Nancy. Il était le détenu politique le plus jeune au camp de Neckarelz et a écrit une lettre aux jeunes allemands en sachant cela. Dans cette lettre, il exprime très bien ce que j’ai essayé de décrire. Albert Geiregat commence par raconter la peine vécue, puis le ton de sa lettre change. Je cite :

« Tout cela remonte à si loin d’aujourd’hui… Mais le Neckar est toujours là, il s’écoule calmement entre ses rives.

Depuis longtemps, il a porté vers le fond de ses eaux et amené dans la mer l’image de ces créatures pâles et complètement amaigries qui peuplaient ses rives.

Vous jeunes gens d’aujourd’hui faites partie d’une nouvelle génération. Je peux faire le lien entre nous ayant dix-sept ans d’alors à Neckarelz et vous ayant dix-sept ans d’aujourd’hui uniquement dans mes pensées.

Mon petit-fils qui vit à Strasbourg a aussi dix-sept ans. Il habite la rive gauche, française du Rhin. Cette frontière qui nous séparait autrefois disparaît aujourd’hui en raison du grand Pont de l’Europe.

Votre tâche, celle de la génération jeune, sera de préserver ce pont. Vous devez l’agrandir progressivement, en esprit de la fraternité et de la paix retrouvée.

Mais soyez vigilants pour pas que le monstre d’alors resurgisse et détruise à nouveau l’unité des peuples de l’Europe.

Je finis mon allocution en vous disant notre devise. Veuillez bien la retenir et toujours la garder en mémoire :

PAS DE HAINE – PAS D’OUBLI ! »