UN PROJET ARTISTIQUE ET PEDAGOGIQUE FRANCO-ALLEMAND DANS LES LIEUX DE MEMOIRE DU CAMP DE NATZWEILER EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
I . Description du projet
La commission européenne a désigné 2018 « Année européenne du patrimoine » . Dans ce cadre, le Centre européen du résistant déportés (CERD) et l’Association des lieux de mémoire du complexe de Natzweiler (VGKN) ont décidé d’associer leurs efforts pour un projet franco-allemand avec le groupe français d’artistes Quinz’art et le groupe allemand d’artistes Plakat Wand Kunst. Ce grand projet se subdivise en deux sous-projets : l’un est artistique, l’autre est pédagogique.
I.1. Le projet artistique « Fraternité/Brüderlichkeit »
Le projet artistique s’articule autour de la notion de fraternité, qui fait écho à l’histoire du camp de concentration de Natzweiler et de ses camps annexes : en leur sein se sont côtoyés des Européens de quelque 30 nationalités différentes. Tous ont fait l’expérience collective de la violence et ceux qui ont survécu aux crimes nazis se sont souvent engagés dans l’unification européenne.
- Ateliers d’artistes franco-allemands
Au sein d’un même atelier vont travailler 32 artistes français et allemands de Quinz’art et Plakat Wand Kunst. Répartis en 16 « couples » franco-allemand, ils réaliseront les 16 « placards » grand format (2.6 x 3.6 m) pour refléter ce qu’a signifié la fraternité dans l’ancien camp de Natzweiler. Ce travail en atelier aura lieu entre avril et mai 2018.
- Exposition parallèle au Struthof et à Stuttgar ; exposition itinérante
Entre fin juin et mi-septembre 2018, une première exposition des 16 œuvres franco-allemandes sera présentée simultanément au CERD (Struthof) et à la Maison de l’Economie (Stuttgart). Ce parallélisme symbolisera de manière forte la dimension transfrontalière du projet. La plus grande partie des « placards » (10-12) sera montrée au Struthof, le reste (4-6) à Stuttgart, où ils ne pourront rester que 3 à 4 semaines. A l’occasion de l’inauguration à Stuttgart, le VGKN et le CERD organiseront une table ronde en partenariat avec l’office de protection des monuments du Bade-Wurtemberg : il s’agira d’échanger les points de vue français et allemand sur la protection et l’entretien des lieux authentiques de mémoire et de leurs vestiges.
A l’issue de l’exposition parallèle, en septembre 2018, les 16 placards commenceront leur itinérance. Ils seront exposés dans 15 lieux de mémoire de Natzweiler (CERD, Urbès, Metz-Queuleu, et douze lieux du VGKN en Allemagne). A nouveau en avril et en septembre 2019, deux rotations des œuvres auront lieu entre les lieux de mémoire, jusqu’à la fin de l’opération en avril 2020.
I.2. Le projet d’accompagnement pédagogique.
Le CERD et le VGKN complèteront le projet artistique par un volet pédagogique qui permettra d’impliquer des groupes de jeunes et d’inscrire les objectifs du projet dans une perspective citoyenne de long terme.
- Atelier « La dimension européenne du camp de Natzweiler »
En complément du projet artistique qui développe une approche créative de la thématique, le VGKN et le CERD placeront dans une perspective historique la dimension européenne des lieux de mémoire impliqués. Dans ce but, un module d’apprentissage sur « la dimension européenne de Natzweiler » sera développé d’ici avril 2018. Le matériau pédagogique constitué à cette occasion sera par la suite partie intégrante de l’offre pédagogique des deux structures. L’atelier insistera sur le caractère multinational de la population déportée à Natzweiler, caractère qui a favorisé l’émergence d’une volonté d’unité européenne chez les survivants. Le travail de mémoire transfrontalier, mais aussi la conscience que les lieux de mémoire du camp relèvent d’une mémoire commune européenne s’inscrivent dans cet héritage.
- Projet pédagogique
Le CERD et le VGKN favoriseront la venue aux expositions des élèves et du grand public. En complément, ils travailleront aussi avec des groupes d’élèves partenaires. Un projet pédagogique accompagnera à cette fin le projet artistique. Les artistes de Quinz’art et de Plakat Wand Kunst se rendront dans les écoles partenaires, situées aux environs des lieux de mémoire de Natzweiler, pour animer des ateliers communs. Ce travail sera préparé en amont par la venue des artistes dans les sites mémoriels. Les éléments contextuels permettant de comprendre l’histoire du camp de Natzweiler seront également apportés aux élèves.
- Signification du projet.
Le projet est une manière de souligner de façon forte l’engagement du VGKN et du CERD en faveur d’une coopération transfrontalière. L’implication de collectifs d’artistes renommés dans l’espace transfrontalier rhénan donne sens et visibilité au travail commun du VGKN, du CERD et d’autres lieux de mémoire de Natzweiler sur le sol français et allemand. Le choix du thème « Fraternité », ainsi que la double approche artistique et pédagogique, viennent rappeler que les lieux de mémoire ont une valeur historique incontestable, mais également un rôle à jouer dans la construction d’une citoyenneté européenne.
C’est pourquoi le projet « Fraternité » a toute sa place dans l’année européenne du patrimoine 2018. L’intervention des artistes et des élèves sera accompagnée sur un plan historique et pédagogique par le CERD et le VGKN. Cet accompagnement, qui placera en son cœur la notion positive de rapprochement européen, permettra aux jeunes de devenir « les ambassadeurs » du lieu de mémoire. L’exposition parallèle initiale, qui symbolise la dimension transfrontalière du projet, rappelle aussi l’histoire de la fin du camp de Natzweiler en 1944, qui s’est jouée sur les deux rives du Rhin.
Enfin et surtout, la collaboration avec la Protection des monuments historiques du Bade-Wurtemberg ouvre une perspective féconde pour le devenir des lieux de mémoire, avec un échange entre les spécialistes chargés de leur protection et les équipes chargées de les faire vivre auprès du public. Cette ouverture est également transfrontalière : le dialogue entre Français et Allemands sur les pratiques de conservation est également fécond. L’atelier pédagogique « Dimension européenne des lieux de mémoire de Natzweiler » va dans le même sens, tout comme la table ronde destinée à un public plus large.
Texte par Frédérique Neau-Dufour
Directrice du Centre européen du résistant déporté
Site de l’ancien camp de Natzweiler-Struthof